Claudius Felisaz, aussi gardien des traditions ancestrales

La montagne permet, parfois, de faire de belles rencontres. Au refuge de Chavan, magnifique chalet blotti sous les pointes de Chalune,  Chavasse et la Haute Pointe, le maître des lieux, Claudius Felisaz sait recevoir ses clients, qui sont autant d’invités tellement il met de la passion dans tout ce qu’il entreprend, témoin ce magnifique chalet reconstruit à l’identique. Claudius se définit lui-même  comme lugubre……un terme bien péjoratif et très éloigné de la vérité quand on prend peine de gratter un peu la carapace de ce personnage aussi délicieux que mystérieux. Architecte, maire de Bellevaux durant 2 mandats, Claudius, alors âgé de 63 ans, a décidé, il y a 7 ans, de changer de vie, de se retirer dans un monde, dans son monde dont il rêvait depuis longtemps. Gardien à l’année de ce refuge situé à 1600 mètres d’altitude, ses seuls voisins et amis sont, désormais, Firmin, un majestueux cerf, et Isidore, un chevreuil qui a résisté à plus de 20 saisons de chasse. Grand connaisseur de la faune, de la flore, cuisinier inventif, il utilise tous les ingrédients que lui donne dame nature pour apprêter ses plats mais surtout concocter de délicieux digestifs. Montagnard averti, amoureux du Val d’Aoste, Claudius à la fois philosophe et sage, hypnotise son auditoire grâce à une culture hors du commun. Il est à l’image de son chalet, sombre comme sa salle à manger où se côtoient bondieuseries, fables de La Fontaine, vieux grimoires ou photos d’animaux prises par lui-même, mystérieux comme sa « loge », repaire d’un autre temps, ou lumineux comme le dortoir, à l’étage, point d’observation privilégié pour guetter la faune. Faire une halte au refuge de Chavan, c’est plonger dans un bain de jouvence, c’est oublier le temps, et c’est surtout réapprendre à savourer l’instant présent. Claudius fait souvent référence à Platon, parle aussi avec déchirement de la religion, mais toujours avec calme et pondération, dans un langage châtié. La recette des cuissots de renards déglacés, narrée à l’envi, avec une précision autant chirurgicale qu’horlogère, aura été le point d’orgue d’une après-midi inoubliable. Ah, une dernière chose, Claudius ne s’énerve jamais et lorsque vous lui demandez quelque chose, sa réponse est : « oui, dans 20 petites minutes ». Certains clients, sans doute rattrapés par le temps qui passe, n’ont pas su patienter et ont passé la porte. Tant (ou temps) mieux a sans doute pensé Claudius, et nous aussi !